“ Un héros “ – Sélection officielle, Festival de Cannes 2021.
Pour Asghar Farhadi, le cinéma reste le meilleur moyen de décrypter la société.
Il fait dans le détail, ne prend pas des voies rapides et se lancent sur des chemins difficiles et escarpées. Il est un orfèvre de l’outil social et ne s’intéresse à un sujet, complexe, que pour mieux le maitriser.
Il est conscient de prendre des risques et écrit ses scénarios avec une précision d’alpiniste face au danger. Avec lui, l’acteur est au service du scénario, pas l’inverse.
Les circonvolutions observées dans la plupart de ses films sont autant de lignes courbes permettant d’arriver droit au but, le “pourquoi“ du héros, car pour le réalisateur il semble que le hasard ne mènent qu’à des rencontres.
Il nous montre que que le héros autoproclamé n’existe pas, il a besoin de reconnaissance de la part de la société, du pouvoir, en clair, des autres.

Le personnage central du film (1) est un petit entrepreneur, fort sympathique au demeurant : il s’est fait berner en affaire, puis est condamné pour ne pas avoir honoré une dette d’argent.
Rien de très grave certes, mais courte peine de prison tout de même.
Simple au début, tout va rapidement se compliquer.
Sa fiancée trouve un sac dans la rue, il contient des pièces d’or anciennes, elle lui propose de s’en servir pour rembourser sa dette et ainsi sortir de prison : lui répond en toute honnêteté qu’il préfère mettre une annonce afin de rechercher la propriétaire du sac…
Chose faite ! sauf qu’une telle noblesse d’attitude finit par se savoir et que notre honnête personnage se trouve instrumentalisé par ses proches, ses amis et la direction de la prison …
Très rapidement Farhadi pose la question du statut du héros, car le héros ne supporte pas le compromis, il est entier, statufié par les autres, sans failles, au delà du réel quotidien, il inspire et ne subit pas.
À travers les péripéties de notre homme, le réalisateur dépeint le cynisme et la corruption régnant à tous les niveaux de la société et la promotion du héros s’accompagne d’une comédie sociale où chacun espère y trouver son compte et profite de la situation …
Mais si les statues de héros sont figées dans la pierre, elles peuvent aussi être détruites ou salies, signifiant la fin du héros dans l’esprit de ses admirateurs.
On peut faire confiance à Farhadi pour traiter un tel sujet avec excellence et aborder les problèmes endémiques de nombreux pays, dont le sien, l’Iran.
Peut-être même en écrivant son scénario pensait-il à un autre héros, Ghassem Soleimani.
Général iranien, commandant de la Force Al-Qods du corps des Gardiens de la révolution islamique, assassiné à Bagdad le 3 janvier 2020 par une frappe de drone ciblée.
Pour mémoire, né près de Kerman, il a commencé à travailler dès l’âge de 13 ans dans le seul but d’aider son père à rembourser une dette contractée dans le cadre de son travail, une attitude noble et largement reprise par le pouvoir iranien pour faire de Ghassem Soleimani un héros à titre d’exemple dans son propre pays.
Histoire de dettes, histoires de héros, histoire d’honneur … Il est cependant des dettes que pas même les héros ne peuvent rembourser.
Marc Lanteri – 28/7/2021 – Cannes
- • “ Un héros “
Film Iranien (127’ ) réalisé par Asghar Farhadi
avec Amir Jadidi, Mohsen Tanabandeh, Fereshteh Sadr Erfai, Sarina Farhadi.
Grand Prix au Festival de Cannes 2021
Sortie en France le 22 décembre 2021